Mesure d'impact : Groupements Forestiers Citoyens et Écologiques (GFCE)

Quelques chiffres pour qualifier l'état du mouvement

Début 2025, 30 GFCE se sont prétés à l'exercice du formulaire d'impact proposé par Forêts Partagées. L'objectif était de mettre en lumière l'évolution de la dynamique des Groupements Forestiers Citoyens et Écologiques (GFCE). Un mouvement qui date des années 2000, animé pendant 5 ans par une équipe bénévole du Réseau pour les Alternatives Forestières (RAF). C'est cette équipe de bénévoles qui, depuis 2024, s'est structurée autour de l'association Forêts Partagées.

Commençons pas une définition

lI y a quelques années, le Réseau pour les Alternatives Forestières (RAF), en collaboration avec des gérant(e)s de GFCE, se sont mis d'accord sur une définition : "Nous sommes des collectifs de citoyens et de citoyennes ; propriétaires de forêts, simples amoureux des bois ou professionnels de la filière qui, plutôt que de continuer à observer en silence la destruction des forêts françaises et leur transformation en plantations de monoculture, avons décidé de réunir notre énergie, nos compétences et notre épargne pour faire l'acquisition de forêts et montrer que des alternatives de gestion sont possibles, vertueuses et sans coupes à blanc, au service d’une forêt diversifiée, multifonctionnelle, respectant la biodiversité, les paysages, les sols et le tissu économique local" . Pour en savoir plus sur le mouvement, vous pouvez cliquer ici.

Les GFCE composent au quotidien avec trois dimensions :

  • Citoyenne : mobiliser l'énergie, les compétences et l'épargne des habitants d'un territoire, au profit de l'acquisition et de la préservation des forêts ;
  • Écologique : oeuvrer à la production de bois de qualité tout en prenant soin des écosystèmes et de la biodiversité qu'ils abritent ;
  • Économique : inscrire la structure dans un temps long en travaillant à un modèle économique viable et juste pour les différents acteurs de la filière-bois.

Selon les structures ou les étapes de développement, certaines dimensions sont plus dominantes par rapport à d'autres. Cela se traduit sur le terrain, par des GFCE qui vont organiser plusieurs sorties en forêt par an pour les associé(e)s ou même le grand public, tandis que d'autres vont concentrer leur énergie dans l'acquisition de forêts pour y réaliser des coupes et des travaux. La sensibilisation et la sylviculture douce, sont les deux principaux leviers d'impact d'un GFCE.

Une vision commune et des ambitions variées

Si le modèle juridique (SCI) et la raison d'être des GFCE sont communs à l'ensemble des structures, les modes d'organisation et les ambitions diffèrent. Cette diversité est une force pour la dynamique car elle permet à des personnalités différentes de se lancer dans l'aventure en développant un projet qui leur ressemble ou leur convienne. Parmi les 30 GFCE interrogés, certains se concentrent sur un massif forestier précis (15%), d'autres sur une région historique ou nouvelle (25%) mais la majorité se positionne dans un département unique (60%).

Nous retrouvons cette forte disparité dans les objectifs de surface de forêts à acquérir : 44% souhaitent acquérir moins de 100 ha de forêts, 18% entre 100 et 500 hectares et 13% plus de 500 hectares. Enfin, 25% déclarent ne pas avoir d'objectif précis en termes d'hectares de forêt et se contentent de se développer à leur rythme. Les ambitions initiales d'un GFCE sont de toute façon amenées à évoluer en fonction des opportunités et de la disponibilité de la Gérance.

Pour ce qui est des activités collectives envisagées par le GFCE, celles qui reviennent dans plus de 80% des cas sont les suivantes :

  • Activités pédagogiques à destination des associé(e)s (92,6%)
  • Création de reserves intégrales ou d'îlots de senescence (85,2%)
  • Production et commercialisation de bois rond (81,5%)

On notera que les GFCE ont à coeur la dimension locale de leur aventure et n'ont pas d'objectif de croissance nationale. Cette particularité est importante à plusieurs niveaux ; elle permet de faciliter la mobilisation des citoyennes et citoyens locaux, de favoriser le contact avec des propriétaires privées du territoire, et de se créer un réseau au sein de la filière-bois pour mener les opérations de coupes et de travaux.

Parlons de la forêt, coeur de ces collectifs citoyens

Les 30 GFCE ayant répondu à notre enquête font état de 2500 hectares de forêts en propriété à l'heure où vous lisez ces lignes, et à 270 hectares en cours d'acquisition. Soit une moyenne de 90 hectares de forêts par structure, sachant qu'Avenir Forêt fait la course en tête avec plus de 1000 hectares en propriété, en 12 années d'existence, suivi du Groupement Forestier pour la Sauvegarde des Feuillus du Morvan (GFSFM) avec un patrimoine de près de 500 hectares de forêts.

Si certaines structures ont une forte croissance de surface forestière, comme par exemple Green Forest qui affiche une évolution de 60 hectares / an, d'autres vivent le temps des forêts et ne feront l'acquisition que d'une ou deux petites forêts par an. Généralement, les GFCE à croissance plus "lente" existent comme une alternative sur le territoire, pour sauver des forêts d'une coupe trop sévère ou d'un héritage compliqué.

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Les GFCE sont donc propriétaires de 235 forêts, pour une moyenne de 10 hectares par forêt (supérieur à la moyenne nationale de 4 hectares / propriétaire). Dans ces forêts, 43% des structures ont déjà réalisé des coupes, soit une majorité qui ne s'est pas encore lancé dans la sylviculture, par manque de temps ou de compétences. Pourtant, 64% des collectifs ont indiqué avoir un gestionnaire forestier de métier (en activité ou à la retraite) parmi eux ; un avantage non-négligeable pour développer son GFCE dans de bonnes conditions. À noter que parmi les gérances, 78% des individus ont réalisé le MOOC de Pro Silva pour s'initier à la Sylviculture Mélangée à Couvert Continu. Enfin, la moitié des GFCE a indiqué vouloir faire de la gestion forestière avec les moyens du bord. L'autre moitié est ouverte à l'intervention d'un acteur professionnel externe (gestionnaire, expert ou autres).

Et en termes d'organisation, qu'est-ce que ça donne ?

Pour ce qui est de la gouvernance, comme indiqué plus haut, les disparités sont fortes, même si on distingue deux courants. Le premier consiste à avoir un ou plusieurs professionnel(s) de la forêt au sein de la gérance pour une durée indeterminée (37%), tandis que le second mise sur une gérance non-professionnelle et tournante sur des périodes allant de 1 à 3 ans (63%). En moyenne, la gérance est composée de 3 personnes car les tâches associées à cette fonction couvrent les dimensions citoyennes, écologiques et économiques - ce qui demande une palette de compétences (très) développée. D'où des difficultés constatées lors des passations. Pour le moment, seules 3 structures parmi les 30 interrogées rémunèrent leur gérance pour les actions liées à la vie et au développement du GFCE.

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En plus des statuts, les GFCE se sont dôtés de documents complémentaires pour cadrer la vision, les ambitions et l'organisation : 60% ont créé une charte, 20% un pacte d'associé(e)s et 20% un réglement intérieur. En tant que structure adhérente, certains GFCE sont aussi signataires de la Charte pour des Forêts Vivantes (60%) ou de la récente Charte pour des Forêts Partagées (45%) éditée par nos soins.

Nous tenions à rappeler que les GFCE sont des SCI. Ils ont donc l'obligation légale d'organiser des Assemblées Générales chaque année afin de présenter les rapports d'activité et financiers de la structure aux associé(e)s et de décider ensemble, des sujets stratégiques. Ces collectifs sont par nature, de bons exercices de démocratie et de citoyenneté appliqués à la forêt.

Quid des associés et associées dans tout ça ?

3550 associé(e)s uniques ont fait le choix d'user une part de leur épargne en faveur d'une gestion durable des forêts françaises, soit plus d'une centaine de personnes par collectif - le record étant détenu par le GFSFM avec plus de 1 000 associé(e)s (du à leur ancienneté). Certains sont de simples investisseurs ou investisseuses qui votent chaque année aux Assemblées Générales, d'autres sont des ambassadeurs et des ambassadrices qui aident au recrutement de nouveaux membres ou des contributeurs à la veille forestière - notamment à travers la participation aux Bureaux ou aux Comités. 85% des GFCE nous ont indiqué qu'ils organisaient des activités en forêt au minimum 3 fois par an :

  • Visite des nouvelles acquisitions et moments conviviaux sous la canopée
  • Chantiers sylvicoles collectifs : martelage, placettes, inventaires, plantations, etc...
  • Visite post-coupes ou travaux : rencontre des acteurs terrains (ETF)
  • Inventaires de biodiversité et signalisation des arbres habitats
  • Sorties pédagogiques : reconnaissance botanique ou observations de la faune
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En parlant de moments conviviaux, 50% des GFCE organisent leur Assemblée Générale en présentiel au sein d'une des forêts en propriété - un bon moyen de renforcer le sentiment d'appartenance des associé(e)s. L'autre moitié organise des Assemblées Générales hybrides avec une partie en présentiel, et une autre en ligne pour faciliter la participation. Les modalités de droit de vote varient, mais la tendance la plus forte est celle du système "1 personne = 1 voix", appliqué dans 75% des structures.

Un mouvement qui s'accélère mais aux enjeux nombreux

Les GFCE représentent une petite communauté grandissante, avec une demi-douzaine de structures qui se lancent désormais chaque année sur le territoire nationale, comprenant des ambitions et des modes d'organisation différents. Nous considérons cette disparité comme une richesse en termes d'apprentissages à partager, et un encouragement aux structures d'évoluer en porosité.

En fin de formulaire, nous avons demandé aux contributeurs et contributrices de nous parler de leurs défis du moment, qui sont souvent les mêmes :

  1. Structurer notre organisation interne (55%)
  2. Trouver plus d'associé(e)s pour augmenter le capital (48%)
  3. Trouver plus de forêts à préserver / à gérer durablement (48%)
  4. Réaliser nos premières opération sylvicoles en forêt (48%)
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Si les trois derniers défis sont directement liés à l'objet social des GFCE, le premier met en lumière une difficulté récurrente : celle pour certains collectifs de s'organiser et de grandir sereinement à mesure que le nombre d'associé(e)s augmente. C'est la raison pour laquelle il est essentiel de bien définir les bases du collectif dès le début. Une bonne gouvernance permet en effet d'éviter des crises qui pourraient nuire à l'objectif premier des GFCE : préserver les forêts à travers le foncier. C'est d'ailleurs ce constat qui a motivé Emmanuel Repérant (de Lu Picatau) et Pierre Demougeot (d'Avenir Forêt) à créer le wiki. Cette base de ressources est devenue un outil incontournable pour les nouveaux collectifs désireux de se lancer dans les meilleures conditions.

Les Groupements Forestiers Citoyens et Écologiques (GFCE) ne sont qu'un exemple de la diversité des collectifs citoyens engagés dans la gestion forestière durable. Il existe en effet d'autres structures, telles que des associations, des fonds de dotation ou encore des syndicats de propriétaires (ASLGF). Ces différents modèles partagent toutes des problématiques de développement similaires. C'est pourquoi, chez Forêts Partagées, nous souhaitons élargir notre communauté afin d'intégrer toutes les structures dont les activités respectent notre charte, quel que soit leur statut juridique.

Cette mesure d'impact sera réalisée tous les 3 ans par Forêts Partagées afin d'observer l'évolution du mouvement pour des forêts partagées en France.